ESPAGNE

Royaume d'Espagne
Capitale : Madrid
Superficie : 504 782 km2
Population : 40 000 000 hab.

Les nations de l'État espagnol

C'est au cours de la reconquête sur les Arabes que les limites ethniques se sont précisées entre Espagnols au centre, Catalans à l'est, Portugais à l'ouest. Les territoires conquis par les Arabes avaient des populations majoritairement de dialectes, disons romans, mais on ne possède aucun document qui permette de dire comment et à quelle époque s'est faite la segmentation.
On est arrivé à un État espagnol comportant des nationalités colonisés : un morceau de la nation portugaise, la Galice, l'énorme majorité de la nation catalane, la majorité de la nation basque, et un petit morceau de la nation occitane, le Val d'Aran (et aussi une population dispersée cachmirienne qu'on appelle les Tziganes).
Dès la formation de l'État unifié féodal espagnol (et même un peu avant), il y a eu l'expansion outre-mer de la nation espagnole, en Amérique, avec dans un certain nombre de territoires anéantissement des populations indigènes et repeuplement par des Espagnols, et dans d'autres la mise en semi-esclavage des populations amérindiennes.

Ensuite, la coupure s'est faite entre ces nouvelles provinces espagnoles et l'État espagnol au début du 19ème siècle : phénomène semblable à celui des Anglais d'Amérique, une fraction de la classe dirigeante espagnole a voulu se débarrasser de l'État espagnol, une scission au sein d'une classe dirigeante. Les États luxembourgeois et autrichien sont des manifestations d'un phénomène semblable, et de même la coupure entre Portugais du Portugal et Portugais du Brésil.

Actuellement, l'ethnie espagnole se trouve divisée en un bon nombre d'États. Outre les Espagnols de l'État espagnol, on a comme faisant partie de la nation espagnole : tout l'Uruguay, l'essentiel de l'Argentine (moins la Patagonie, et moins le Nord qui est amérindien), l'essentiel du Chili (moins le Sud et l'Extrême-nord), le Vénézuéla (c'est-à-dire au nord de l'Orénoque), un morceau de la Colombie, deux Antilles Cuba et Puerto Rico, le Nord-est du Mexique, avec ses prolongements dans les États-Unis (le Sud-ouest du Texas et une partie du Nouveau-Mexique), le sud de la Basse-Californie et quelques îles voisines (Iles Galapagos). Dans tous les autres pays d'Amérique dits espagnols, il y a uniquement des classes dirigeantes espagnoles dominant des populations indigènes.

Et l'Espagne proprement dite est (malgré ceux qui se disent nationalistes) le contraire même d'un État national : dès ses origines, le mouvement franquiste était soutenu par les banques anglaises qui possèdent l'essentiel des richesses naturelles d'Espagne, et jamais il n'a été le moins du monde nationaliste espagnol ; et il est maintenant tout à fait pro-américain. On ne voit pour le moment aucun mouvement qui serait réellement nationaliste espagnol en Espagne. Le pan-hispanisme progressiste est aujourd'hui essentiellement représenté par le castrisme, le péronisme, et le parti nationaliste porto-ricain (Puerto Rico est sous la domination directe et officielle des États-Unis ; ce parti qui était au départ un type de nationalisme très archaïque, très bourgeois, très clérical, s'est depuis violemment radicalisé).
Nous n'avons pas mentionné les Canaries dans la liste des pays d'ethnie espagnole : les Canaries font partie de l'État espagnol. Les Canaries ont été peuplés de Guanches - très probablement des Berbères - qui furent anéantis ou assimilés, et dès la fin du 15ème siècle les Canaries étaient repeuplées par des Espagnols. Le peuplement des Canaries est donc espagnol depuis quatre siècles, or il y a un mouvement canarien, dont on ne sait à peu près rien, qui se dit séparatiste... On a déjà vu, historiquement, des mouvements séparatistes ne correspondant pas à des ethnies, notamment les mouvements bavarois, piémontais, siciliens : ces mouvements sont simplement l'expression de fractions de classes privilégiées dépossédées par une nouvelle classe dirigeante, et qui regrettent le bon vieux temps où elles étaient la classe dominante. Evidemment, n'ayant aucune base nationale, ces mouvements s'effondrent aussi vite qu'ils se sont créés : cela a été le cas des mouvements siciliens, piémontais et bavarois qui ont pratiquement disparu.

Les principales colonies espagnoles de l'État espagnol sont le Pays Basque et la Catalogne. Ce sont des populations - cas peu fréquent - qui sont économiquement plus développées que les Espagnols, qui ont de longue date une bourgeoisie (au moins en Catalogne), qui sont industrialisées, alors que les régions proprement espagnoles le sont très peu. On a là des régions économiquement évoluées qui sont pillées par un État semi-féodal. Cela suppose, au moins partiellement, un dynamisme national basque et catalan sur le plan économique (qu'il serait trop long ici de discuter).

Il y a aussi un pays d'Amérique à peuplement catalan : Costa Rica. Cela était très peu connu, surtout en Catalogne, mais récemment le président du Costa Rica, Figueiras, est venu en visite officielle en Espagne, et tous les Catalans ont pu le voir s'exprimer en catalan à le télévision...

Actuellement, le mouvement catalan comprend diverses formations politiques clandestines, mais peu organisées et peu efficaces. Mais il y a un catalanisme général de la population, au point que les immigrants espagnols qui viennent à Barcelone se veulent catalans et apprennent le catalan (il s'agit surtout d'un sous-prolétariat pour qui le moyen de s'intégrer, finalement de promotion sociale, est d'apprendre le catalan). Au nord (Catalogne sous domination française), la situation n'est pas du tout la même, et c'est très récemment que vient d'apparaître un début de mouvement nationaliste catalan : le C.R.E.A. (Comitat Rossellonès d'Estudis i d'Animació)...

Pour ce qui est des Basques, il y a eu un Parti Nationaliste Basque, n'ayant aucune idée des questions de classes, fait essentiellement par des bourgeois démocrates. Il est arrivé pendant la République espagnole à obtenir une très large autonomie, au moins pour trois provinces sur quatre (dans l'État espagnol). La quatrième province, la Navarre, très archaïque, à structure féodale, sous l'influence du carlisme, est restée en dehors du mouvement national basque. Ce qui fait que le mouvement basque a pris position pour la république espagnole tandis que les Basques de Navarre se prononçaient pour les franquistes, chacun des deux croyant agir pour l'autonomie basque. Depuis le triomphe du franquisme il y a eu, évidemment, l'effondrement de ces deux illusions, d'où l'apparition d'une minorité nationaliste révolutionnaire, Euskadi Ta Askatasuna.

E.T.A. a sur les problèmes de la lutte de libération nationale, de la construction du socialisme des positions qui semblent très justes dans l'ensemble, mais par contre il semble avoir une absence totale, jusqu'à présent, de conception sur les problèmes nationaux en général. Cela les amène à ignorer les autres questions nationales dans le monde, et à faire de l'impérialisme basque en voulant annexer au Pays Basque des territoires qui ne sont pas basques. Selon les critères que nous avons exposés, le Pays Basque ces sont les territoires où la langue basque se parle, plus les territoires d'où elle a pu reculer, depuis 3/400 ans. Les Basques se fondent principalement sur des critères historiques, hérités de rapports de force féodaux, c'est-à-dire des unités administratives existant actuellement. Toute la zone sud de la Navarre qui n'a autant qu'on sache jamais parlé basque (ou alors il y a peut-être 1500 ans), ils veulent l'annexer parce qu'elle se trouve dans la limite administrative de ce qu'on appelle la province de Navarre ; de même Bayonne et Biarritz (où la langue indigène est l'occitan) sous prétexte qu'il y a un certain nombre de Basques immigrés récemment ; par contre, ils ne réclament pas des communes qui n'étaient pas administrativement dans les provinces basques mais qui de tout temps ont été peuplées de Basques, par exemple Esquiule (une pointe près d'Oléron), qui parle toujours basque...

C'est dans l'État espagnol que la question du réveil des nationalités en Europe occidentale peut aboutir assez rapidement à des résultats concrets, cela en fait toute l'importance.

François Fontan 1971


Catalogne

Le droit à l'auto-détermination réaffirmé
Le mardi 12 décembre 1989, le Parlement de Catalogne a approuvé une proposition - pas une proposition de loi - où il est affirmé que "le peuple catalan ne renonce pas au droit à l'autodétermination nationale". Cette proposition fut approuvée par la "Commission d'Organisation et d'Administration" du Parlement grâce aux votes favorables des groupes issus de Convergència i Unio (pujolistes et démocrates-chrétiens), Iniciativa per Catalunya (communistes et nationalistes de gauche), Centro Democratico y social (le parti d'Adolfo Suarez, l'ancien président du gouvernement espagnol) et Esquerra Republicana de Catalunya, le groupe qui l'a présentée. Tandis que le Partit Socialista de Catalunya (PSC - PSOE, filiale en Catalogne du Partido Socialista Obrero Español, au pouvoir en Espagne) s'y opposa. Le Partido Popular (celui de Manuel Fraga, l'ancien ministre du général Franco) refusa d'assister aux discussions.

Dans le texte approuvé par la commission, on lit notamment que "l'observance du cadre constitutionnel en vigueur, résultat du processus de transition politique (qui mena) de la dictature à la démocratie, ne signifie point que le peuple catalan renonce au droit à l'autodétermination nationale".

La proposition de l'Assemblée Catalane provoqua immédiatement des répercussions notables dans les milieux politiques espagnols et même dans certains milieux européens. Ainsi, tandis que le Consulat d'Allemagne à Barcelone estimait qu'une telle décision était "une continuation logique de la politique menée jusqu'à maintenant" par la Catalogne, le Consulat de la République Française, quant à lui, proclamait sa neutralité vis à vis de la déclaration du Parlement.

Il était clair, en tout cas, que la proposition parlementaire en question était une conséquence de l'accord au sommet des Douze à Strasbourg, accord réaffirmant le droit à l'autodétermination des peuples de l'Est européen. Il va sans dire que, au cours des jours qui suivirent, il se déroula une dure controverse parmi les politiciens ainsi qu'au sein des rédactions des journaux espagnols ou d'obédience espagnole.

Jordi Ventura 1990

carte

tableau des populations, ethnies, langues, religions

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