SIBERIE

Sibérie, vaste zone géographique constituant la partie asiatique de la Fédération de Russie
Superficie : 13 120 000 km2 env.
Population : 43 000 000 hab. env.

Représentant les trois-quarts de la superficie de la Fédération de Russie, la vaste Sibérie n'est peuplée que par un peu plus du quart de la population totale du pays.
C'est pour l'essentiel un territoire inhospitalier, riche d'énormes gisements d'hydrocarbures et de minerais variés. Ne sont véritablement peuplées que les régions d'extraction de ceux-ci ainsi qu'une large bande méridionale courant de l'Oural à Vladivostok.

Analyse historique et situation actuelle

Cette vaste contrée qui recouvre l'Asie septentrionale dans sa totalité est, contrairement à ce que l'on pourrait croire, massivement peuplée par des Slaves européens, presque tous originaires de Russie. Le pourcentage de ceux-ci (91%) est en effet bien supérieur à ce qu'il est dans la Russie d'Europe et en Ciscaucasie.
Historiquement, et à l'instar d'une grande partie des Amériques ou de l'Australie, elle est en quelque sorte le Nouveau Monde asiatique des Européens orientaux. Schématiquement, la constitution du peuplement est presque en tous points parallèle : une masse de colons issus d'une ethnie (les Russes) a entraîné dans son sillage, d'autres populations (autres Slaves, Tatars, Juifs); ensemble, elles ont submergé l'élément autochtone formé de groupes humains peuplant peu densément le territoire. Celui-ci a été selon les cas, soit absorbé, soit éliminé. Far east et toundra auront été la Frontière des pionniers russes, au détriment des Toungouses, Tchouktches et autres Aïnous et Nivkhes.
Traversée et explorée par les Cosaques dès le XVIIe siècle - ils atteignent le Pacifique en 1639, la Sibérie fut progressivement colonisée par les tsars à partir du siècle suivant. Le régime bolchevik poursuivit le mouvement de façon systématique par une politique incitative de transplantation des masses paysannes slaves. Le médiocre succès de celle-ci fut compensé par l'organisation des travaux forcés pour les opposants dans le fameux archipel du Goulag qui s'étendait comme on le sait, des monts Oural à ceux de la Kolyma.
L'exploitation sur une vaste échelle des richesses pétrolières, gazières et minérales s'est accompagnée de considérables dommages à l'environnement. Le développement de l'agriculture et de la pêche dans l'Extrême-Orient soviétique n'est pas allé non plus sans conséquences sur les équilibres écologiques.
Comme dans le reste de la Russie, la structure administrative des régions (oblast) et des territoires des nationalités conçue sous le régime communiste est demeurée identique depuis l'implosion de l'Union soviétique. Seules la dénomination des anciennes républiques autonomes a changé, la plupart ayant accédé au rang de république tout court. Les prérogatives de toutes les collectivités territoriales se sont également accrues.

Les petits peuples autochtones
Mal préparés à subir un choc culturel dévastateur ainsi que la dégradation éhontée de leurs écosystèmes, subissant l'hostilité des colons slaves, les petits peuples paléo-arctiques de la toundra et des rives du Pacifique ont subi en définitive, et sans contre-partie aucune, le poids écrasant de cette colonisation et des bouleversements qui l'ont suivie.
De la même façon que pour les indigènes des Amériques et d'Australie, on peut parler à propos des autochtones de Sibérie, d'un véritable génocide culturel et d'un génocide tout court par les effets induits : la paupérisation, la clochardisation et la situation sanitaire désastreuse de ces malheureuses populations ne sont malheureusement plus un secret.
Au nombre de seulement 180 000 et disséminés sur d'immenses espaces, les indigènes sibériens continuent plus ou moins de nomadiser à la poursuite de leurs troupeaux et de perpétuer leurs activités traditionnelles. Mais leur sort est très critique et leur avenir précaire.

Autres peuples asiatiques
Plus coriaces, plus nombreux, dotés de structures culturelles et politiques plus solides, quelques peuples ont quand même pu résister avec plus ou moins de bonheur à la poussée russe vers le Pacifique et l'Arctique.
Parmi ceux-ci, on trouve les peuples turcophones de l'Altaï et des régions voisines : Touvas, Altaï-Kizi, Khakasses notamment. Ce sont les derniers habitants du foyer originel de toutes les peuplades turques qui partirent à la conquête d'immenses territoires asiatiques, européens et africains.
Au contact des Mongols qu'ils ont pour voisins depuis des temps immémoriaux, ils en ont adopté le bouddhisme lamaïste. Ces Turcs ont quand même été fortement influencés par les Russes. Passés à l'orthodoxie, beaucoup ont d'ailleurs le russe comme langue première.
Dans les zones de colonisation russe, les commerçants et artisans tatars ont joué un rôle non négligeable, facilitant les contacts avec les aborigènes.
Les Mongols, pour la plupart des Bouriates, peu différents des Khalkhas dominants en Mongolie, ont évidemment un tel passé historique que la domination russe a dû user de la carotte et du bâton pour s'imposer dans la région. Mais leur renouveau culturel et politique est une réalité actuelle indiscutable. Les problèmes essentiels sont d'ordre démographique, les Russes étant particulièrement nombreux autour du lac Baïkal, et d'ordre écologique, cette région minière étant particulièrement ravagée par la pollution, spécialement le grand lac.
Plus au nord, peuple de la toundra et de l'Arctique, les Yakoutes, cousins éloignés des Turcs et des Tchouvaches, manifestent une vigueur peu commune. Gagnés à l'orthodoxie même si les antiques pratiques chamanistes n'ont pas complètement disparu, ils ont su s'intégrer au monde soviétique.
Leur sous-sol gorgé de richesses minérales, aurifères entre autres, a attiré chez eux, beaucoup de Slaves. Face à tous ces mineurs et ouvriers des industries d'extraction, les yakoutes sont demeurés agriculteurs et éleveurs. Culturellement dynamiques, ils ont assimilé linguistiquement des petits peuples voisins, Tchouvants et Youkaghirs à l'est, Dolganes toungousiens à l'ouest.
Sakha , le nom yakoute de leur pays est aujourd'hui officiel, preuve de la force des aspirations identitaires qui les habite.
Autre peuple très accroché à ses racines, les Coréens, qui, un temps, disputèrent aux Russes, Chinois et Japonais, la colonisation des territoires fertiles de la région de Vladivostok et de Khabarovsk.
Sous le régime soviétique, ils connurent bien des malheurs, comparables à ceux que leur firent endurer leurs colonisateurs japonais. Déportés en masse vers l'Asie centrale par Staline, ceux qui demeurèrent en Extrême-Orient connurent les camps de travail forcé.
On ne s'étonnera point de savoir qu'ils sont en grande partie russifiés. Ils sont nombreux à Sakhaline, en Sibérie centrale et au Kazakhstan indépendant.

Perspectives et propositions
La Sibérie, cette masse territoriale continentale et compacte a-t-elle, au sein de la vaste Russie, un avenir particulier et différencié ?
Si l'on en juge à travers le prisme des grandes tendances qui agitent le monde et, notamment, la Russie et les contrées encore récemment sous sa tutelle, on sera amené à dire que non.
Le processus de désintégration de l'ex-empire russo-soviétique est loin d'être achevé. Non seulement les peuples périphériques rechercheront la séparation, surtout s'ils ont à leur voisinage des frères de même langue et culture, mais les ethnies enclavées au sein de la Russie, elles aussi, exigeront beaucoup. Ne pouvant revendiquer les attributs de la souveraineté internationale, elles tendront néammoins à un maximum d'autonomie et de liberté.

1) Ainsi, nécessairement, les Bouriates, tôt ou tard, vont vouloir se fédérer à l'État de leurs frères mongols. Dans cette perspective inévitable, le territoire de la République bouriate doit être redessiné et délesté des régions fortement peuplées de Russes et autres allogènes. Mais il doit, par contre, être augmenté de zones contigües dépendant de l'oblast de Tchita. Les districts nationaux d'Oust-Orda et d'Agin dont les Bouriates sont titulaires, pourront être dissous.

2) Les différents peuples turcs de l'Altaï et de Touva sont actuellement divisés entre trois entités administratives, une république (Touva) et deux républiques autonomes (Khakassie et Haut-Altaï). Celles-ci doivent être fédérées au bénéfice de leurs autochtones. L'établissement d'une République de Touva-Altaï serait conforme aux besoins de ces populations. Le tracé de ses limites septentrionales devra être revu afin d'en exclure les zones où les colons sont largement prédominants.
Malgré leurs idiomes turcs, rien ne semble prédisposer actuellement ces peuples à un rapprochement avec le reste du monde turcophone trop marqué par l'Islam. Tournant traditionnellement leurs regards vers la Mongolie, ils ont été également fortement marqués par l'influence russe. Ils devraient donc pouvoir utiliser au mieux leur position privilégiée au confluent de trois mondes. Mais on les voit mal quitter l'orbite russe, leur situation s'apparentant assez à celle des Yakoutes.

3) La République de Sakha à la pointe des revendications autonomistes nationalitaires devrait correspondre un peu mieux à sa vocation de foyer national yakoute. Pour cela, le détachement de vastes zones méridionales de la Yakoutie presque exclusivement peuplées de Russes s'impose.
Les tendances nationalistes positives lorsqu'elles sont dirigées contre le colonialisme russe ne sont plus de mise lorsqu'elles se manifestent au détriment des petits peuples voisins. Elles doivent être combattues en rattachant le pays youkaghir, le bassin de la Kolyma, à la Tchoukotka voisine; de son côté, la région où nomadisent les Dolganes doit être aggrégée à l'ensemble territorial de la Sibérie nord-occidentale.

4) Les districts nationaux taïmyr, iamalo-nenets, evenki et khanty-mansi ainsi qu'une portion du district national nenets et le territoire dolgane dans la Yakoutie doivent être fondus dans une seule unité administrative dont le 60e de latitude nord constituerait la frontière méridionale.
Avec environ 110 000 membres des petits peuples du Nord comme l'État russe les définit, cette entité nouvelle ne dépendrait plus d'une lointaine capitale régionale (Krasnoïarsk et Tioumen à l'heure actuelle).
Elle pourrait être dotée d'un statut particulier garantissant aux divers groupements indigènes une surreprésentativité systématique dans la gestion du territoire, dans l'attribution des bénéfices liés à l'exploitation pétrolifère et minière. Ce statut accorderait une prééminence effective des droits culturels et linguistiques des autochtones, une priorité absolue pour l'attribution et la gestion de l'aide nationale et internationale à la restauration de l'environnement arctique.
L'ampleur des dégâts causés par la colonisation russe et le pillage effréné des ressources naturelles dans la région arctique et sub-arctique appelle d'importantes mesures de réparation historique à l'égard des peuples spoliés. C'est seulement à l'épreuve des faits en ce domaine que le monde entier pourra juger de l'entrée effective de la Russie dans le concert des pays de droit. Pas avant.

5) Des mesures de même caractère et portée doivent aboutir à l'instauration d'une entité unifiant les districts nationaux tchouktche et koriak augmentés du territoire youkaghir-tchouvants et rassemblant 30 000 indigènes environ.
De plus, avec ses 40 000 autochtones, un territoire regroupant la région évène-lamoute, les bouches du fleuve Amour et le nord de l'île de Sakhaline doit être institué.
Ces deux regroupements territoriaux devront être dotés d'un statut identique à celui de la Sibérie du Nord-ouest.

6) Les Inouit de l'île Wrangel ainsi que les Aléoutes des îles du Commandeur, actuellement dépendants des régions de Magadan et du Kamtchatka, méritent mieux que la marginalité dans laquelle ils vivent. Séparés par la colonisation et par la guerre froide de leurs frères d'ethnie de l'Alaska et des îles Aléoutiennes, le seul avenir positif envisageable pour eux, c'est le rétablissement des relations ancestrales.
L'autonomie patiemment conquise par les Inouit du Grönland et de l'Arctique canadien ne tardera pas à s'étendre jusqu'à l'Alaska. A ce stade, l'État russe ne pourra plus invoquer la supériorité de ses institutions. Alors les îles devront être unies au reste des terres esquimaudes avec la bénédiction de la communauté internationale.

7) Une pomme de discorde empoisonne la qualité des relations entre la Russie et le Japon : les Kouriles méridionales. Elles sont le dernier vestige d'un contentieux plus vaste qui opposa pendant deux siècles, deux nations particulièrement impérialistes qui se disputaient la possession de cet Extrême-Orient, maintenant définitivement, russe.
Les Soviétiques, ayant chassé en 1945 les Nippons peuplant le sud de Sakhaline, s'emparèrent également de la totalité de l'archipel des Kouriles. Depuis, le Japon revendique la possession des quatre Kouriles les plus proches d'Hokkaïdo qui en dépendaient avant la guerre.
Toutes ces occuppations et revendications font peu de cas des seuls véritables autochtones qui sont les fameux Aïnous. Presque totalement assimilés par Russes et Japonais, ils sont les indigènes de Sakhaline, d'Hokkaïdo et des Kouriles. Au Japon, où survit péniblement leur langue, ils redressent la tête à l'heure actuelle. Très métissés, énormément complexés, ils connaissent une des plus tragiques situations coloniales. Les Aïnous sont méprisés royalement par les Japonais qui les massacrèrent lorsqu'ils conquirent Yeso-Hokkaïdo - le Nouveau Monde nippon. Les Soviétiques, quant à eux, les firent disparaître de leurs statistiques après les avoir un temps valorisés dans une perspective anti-japonaise.
Presque complètement écrasés, ils existent toujours même si leur nombre réel est un mystère et peut osciller autour de 100 000 individus. Ce serait tout à l'honneur du Comité de décolonisation de l'O.N.U. d'inscrire les Aïnous sur la longue liste des peuples spoliés et martyrs et d'agir en conséquence.
En les rétablissant dans leurs droits nationaux sur la totalité des Kouriles et une frange septentrionale d'Hokkaïdo, la Russie et le Japon assoieraient les bases d'un nouvel ordre régional respectueux de tous les peuples, petits et grands. De concert avec les indigènes, ils pourraient organiser alors, avec raison, l'exploitation commune des richesses économiques de la zone. Serait-ce trop exiger de deux États puissants qu'ils concèdent l'autonomie territoriale à un petit peuple qu'ils ont mené à la clochardisation et qui, de cette façon, leur est lié pour longtemps ?

8) Parmi les peuples spoliés de l'Extrême-Orient russe figurent les Coréens. La restauration du district national coréen autour de Poset, non loin de la frontière coréenne, serait la plus élémentaire des justices. Elle ne réparerait cependant pas la totalité des torts causés à cette population. De l'autonomie à la sécession et au rattachement à la Corée lorsque celle-ci sera réunifiée - l'échéance n'est plus si éloignée, il n'y aura qu'un pas légitime.
De nombreux Coréens éparpillés en Sibérie ne trouveront pas de place dans ce district. Leur condition de minorité nationale non territoriale appellera l'application des droits afférents à celle-ci et que la Russie nouvelle ne peut pas mettre sous l'éteignoir.

9) Les différents litiges frontaliers et territoriaux entre Russes et Chinois portent sur des domaines dont ils ont plus ou moins éradiqué la présence indigène. En conséquence, la frontière politique actuelle qui correspond aux deux aires de peuplement colonial est parfaitement correcte. Le fleuve Amour est donc une excellente limite internationale.
Par contre, il semblerait très naturel que soit constitué dans la région, autour du lac Khanka d'où s'écoule l'Oussouri, un district national mandchourien. Dans cette zone presque vide, pourraient venir librement s'installer des groupes de Nanaï et membres de tribus apparentées, proches cousins des Mandjous.
La réapparition de ce dernier peuple à la lumière n'est qu'une question d'années. L'édification d'un État autonome mandjou au sein de la Chine s'ensuivra. Il est plus que normal que la Russie apporte sa pierre à l'ouvrage, elle, dont l'expansion au delà du lac Baïkal a bouleversé les liens étroits entre toutes les tribus toungouses méridionales, y compris avec les Mandjous, conquérants de la Chine. Plus tard, ce district serait incorporé à la nouvelle Mandchourie.

10) Le Birobidjan est l'entité fantômatique dont étaient théoriquement titulaires les Juifs d'Union soviétique. Ayant toujours rang de région autonome, il ne regroupe que 6000 Juifs, soit 3% de ses habitants et seulement 1% de l'ensemble des Juifs de Russie.
Preuve par l'absurde de la validité de l'idéal sioniste et de la résurrection d'Israël, cette colonie irréalisée doit être démantelée en tant que structure nationale juive. Les Juifs sionistes de Russie ont pu, non sans mal, émigrer en Israël.
La plupart de ceux qui restent, au nombre de 600 000, ne quitteront pas la Russie d'Europe. S'ils le font ce sera pour émigrer aux États-Unis, la nouvelle Sion où réside la majorité des Juifs originaires du monde slave. Le foyer national yiddish se trouve en fait à cheval sur les États de New-York et du New-Jersey, c'est le seul endroit où s'épanouissent véritablement la culture et la langue yiddish.
Cela dit, l'existence et la permanence de la minorité juive au Birobidjan, si ses droits les plus élémentaires sont respectés, ne gêne personne et n'entravera nullement l'évolution souhaitable de l'Extrême-Orient russe. Au contraire.

11) Il reste à parler de l'essentiel de la population sibérienne : les Russes.
Beaucoup sont les descendants de moujiks échappés au servage, d'opposants politiques des Tsars ou des Soviets, d'aventuriers cosaques ou de prolétaires alléchés par les primes d'installation. L'effondrement du communisme n'a pu que perturber ceux qui étaient d'authentiques pionniers soviétiques. Leur amour de la mère-patrie et leur soumission à l'État central sont relatifs; leurs intérêts économiques les tournent plus volontiers vers l'Asie orientale et l'Amérique du Nord que vers Moscou et l'Europe. La mentalité générale des Russes de Sibérie est donc facilement contradictoire et frondeuse : chauvins russes à l'égard des indigènes et des autres colons et donc, partisans de toute expansion moscovite, ils peuvent également suivre le penchant de leurs intérêts locaux qui leur commande de s'associer aux voisins - tout le monde roule en voiture japonaise du côté de Vladivostok.
Il ne faut donc pas s'étonner que lorsque les circonstances le permettent, ils manifestent de puissantes vélléités séparatistes. Ce fut le cas dans les années qui suivirent la révolution bolchevique (1918-1920) pendant lesquelles on vit s'installer un gouvernement provisoire (et indépendant) à Iekatérinenbourg, à Omsk et en Extrême-Orient. C'est à nouveau le cas en ce moment où bien des certitudes vacillent et où se met en place une nouvelle donne géopolitique. Quatre entités régionales à vocation Étatique semblent devoir se partager à l'avenir le domaine russe sibérien :

A cette dernière région, on doit envisager l'incorporation du quadrilatère Pavlodar-Tselinograd-Kustanaï-Petropavlovsk qui constitue le nord du Kazakhstan indépendant et qui est peuplé d'au moins six millions de Russes et autres Ukrainiens et Allemands. La sécession de ce territoire sera une des grandes affaires de la Fédération dans le premier quart du XXIe siècle.

Conclusion

La fragmentation de la Fédération induite par la volonté émancipatrice des peuples sibériens est attendue car elle s'inscritdans une tendance planétaire. La montée en puissance des aspirations régionalistes russes d'Asie représente probablement l'élément nouveau et décisif d'une évolution démocratique générale, car elle manifeste un phénomène embryonnaire de dislocation politique des grands États reposant sur une ethnie largement dominante. Russe aujourd'hui, le phénomène pourrait devenir chinois, anglo-américain, hindi ou luso-brésilien, demain.
En ce sens, la Sibérie a bien un destin particulier qui n'apparente pas son sort au destin commun qui est de tendre vers des États toujours plus organiquement liés aux ethnies, chaque ethnie tendant à constituer le sien.
La Sibérie est à bien des égards détentrice de plusieurs des clés de l'avenir de la Fédération de Russie, de l'ethnie russe et... du monde.
Son évolution va clarifier quelques vieilles questions qui hantent l'intelligentsia et le peuple russe.
La Russie connaîtra la sécession de quelques peuples comme les Bouriates, ou ailleurs les Caucasiens ; l'émancipation des petits peuples enclavés, tels que les Yakoutes, ailleurs les Mari ou les Mordves ; en Sibérie, la division régionale du peuple russe qui se trouvera ainsi tronçonné. L'identité russe apparaîtra alors plus clairement : est Russe tout membre de l'ethnie russe qui participe de sa langue et de sa culture.
N'est pas nécessairement russe le citoyen de la Russie, n'est pas nécessairement russe, le Slave ou l'orthodoxe. N'est pas russe celui qui a rejoint un État existant basé sur une autre athnie. Mais reste russe celui qui vit dans un autre État de langue et de culture russe. Le débat entre partisans de l'occidentalisation, du pan-slavisme et de l'eurasisme sera terminé. La Russie est une puissance foncièrement eurasienne : elle doit autant à l'Europe qu'à l'Asie ; elle a fait de ce double héritage un condensé particulier qui lui appartient en propre. L'empire tsariste et bolchevik a sombré définitivement ; la Communauté des États indépendants ne durera qu'une saison ; l'intégration à l'Europe est une chimère comme l'est le pan-slavisme.Il ne restera bientôt à la nation russe, enfin sortie du brouillard idéologique, qu'une voie intégrative sans possibilité d'hégémonie : la voie eurasiatique.
C'est seulement avec le Turkestan (ex-russe et pour une part encore chinois), avec les peuples de l'Oural et de Sibérie, avec les grandes régions d'Outr-Oural de même ethnie que les virtualités de développement de cette nation pourront se réaliser pleinement. Pour son plus grand profit et celui du monde entier.

Jean-Louis Veyrac 1995

Voir aussi :
Russie

tableau des populations, ethnies, langues, religions

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