Turquie | 10 000 000 | (24 %) |
Iran | 6 000 000 | (16 %) |
Irak | 3 000 000 | (27 %) |
Syrie | 800 000 | (9 %) |
URSS | 350 000 | (0,2 %) |
Total | 20 950 000 |
Les Kurdes sont une population de montagnards qui occupe depuis l'Antiquité une vaste zone, le Kurdistan, qui s'étend des monts Aurus, à l'ouest du plateau iranien et de la région du mont Ararat jusqu'au pied où s'élève la plaine de Mésopotamie. Ils parlent une langue indo-européenne du groupe iranien.
Leur langue est très vivante, puisque beaucoup d'entre eux sont monolingues kurdes, elle est l'élément primordial de leur identité. Ils sont musulmans sunnites de type chaféite ce qui les différencie de tous leurs voisins.
L'empire ottoman était très étendu, pendant longtemps, Turcs et Kurdes vivent en bonne intelligence ; à la fin du siècle dernier, la Sublime Porte cherche à dominer les Kurdes en rognant leurs prérogatives ; cela entraine les premières révoltes en 1826, 1834, 1853, 1855, 1880 ; elles sont simplement des révoltes contre une autorité qui empiète sur les droits acquis. C'est en 1898 que pour la première fois une presse kurde voit le jour.
Mustapha Kemal mènera sa lutte d'indépendance aidé par les Kurdes. Après le traité de Sèvres, l'empire ottoman est démantelé ; l'Irak se voit attribuer les villages kurdes de Mossoul. En fait la Grande Bretagne avait un mandat sur l'Irak et elle était très intéressée par les réserves de pétrole de Mossoul. Dans le tracé de frontière franco-syrienne, la France, mandataire de la Syrie, intègre 3 zones de peuplement kurde : Djezira, Kurd-Dagh, Arab-Pinar.
La division du peuple kurde est consommée. Quelles vont être les attitudes des divers pays vis à vis des minorités kurdes ?
En Turquie : dès 1924, la Turquie interdit l'enseignement du kurde et la loi turque précise que : les partis de minorités ne peuvent prétendre à l'existence, sur le sol turc, et viser ainsi à la destruction de l'unité nationale. Trois grandes révoltes en 1925, 1930 et 1955, privent les Kurdes de tout droit. Plusieurs milliers d'entre eux sont déportés en Anatolie, leurs chefs sont exécutés. Il fallut plus de 2 ans à l'armée turque pour prendre Dersimou ; la résistance populaire kurde résista à 3 corps d'armée. La répression fut d'autant plus violente qu'elle avait coûté cher en hommes et en matériel. D'après le P.C. de Turquie de 1924 à 1938 il y eût plus de 1,5 million de Kurdes déportés ou massacrés.
Le régime progressiste d'Ankara déclara "le pays au-delà de l'Euphrate" en État de siège jusqu'en 1950. Il fut interdit aux étrangers jusqu'en 1965.
En Iran : plusieurs révoltes ont lieu contre Reza Chah qui veut instaurer un État centralisé, quand en 1941, les Anglais et les Russes inquiets des amitiés de ce dernier avec l'Axe envahissent l'Iran. Azerbaïdjanais et Kurdes s'organisent. Ils proclament en 1945, la république de Mohabad, elle durera un an jusqu'à ce que les troupes du Chah y pénètrent et exécutent les dirigeants ; Mustapha Barzani et une centaine d'hommes se réfugient en URSS.
En Syrie : depuis son accession à l'indépendance en 1946, même si elle ne reconnaissait pas de droit aux Kurdes en tant que minorité nationale, la Syrie n'a pas été vraiment oppressive jusqu'en 1961. En effet, la langue kurde était admise, des publications circulaient et, si l'école était faite en arabe, nombre d'abécédaires en kurde étaient utilisés. En 1961, on commence à accuser les Kurdes de menées contre l'arabisme. En 1962, le gouvernement lance le plan dit de "la ceinture arabe" prévoyant d'expulser toute la population kurde de la région de Djazira le long de la frontière turque et de la remplacer par des Arabes. La découverte de pétrole à Karatchok n'est certainement pas étrangère à cette politique. Les Kurdes de cette région, recensés, se sont vu retirer tous les droits afférents à la citoyenneté syrienne. 120 000 doivent alors être établis au sud de façon dispersée. Cette politique un moment en sommeil, sera relancée en 1967.
En Irak : dès 1922, le gouvernement reconnaît aux Kurdes le droit de se constituer en gouvernement à l'intérieur des frontières irakiennes. L'Irak obtient son indépendance nominale en 1931, mais il faudra attendre la révolution de 1958 pour que cet État se débarrasse de la domination anglaise. En 1943, on assiste à une révolte organisée des Kurdes, car les promesses ne sont pas tenues ; en 1945, une grande partie d'entre eux passe en Iran lors de la république du Moabad. La révolution de 1958 définit l'Irak comme le pays de deux peuples, arabe et kurde. A ce moment là, Mustapha Barzani rentre d'URSS. En 1968, les Kurdes se rendentt autonomes au sein de la république ; de 1961 à 1968, la lutte des Kurdes entraîne la chute de quatre régimes avant que la tendance actuelle du Baas prenne le pouvoir ; en 1970 une paix est signée et le gouvernement s'engage à donner l'autonomie à toutes les régions à majorité kurde après recensement. Le recensement ne sera jamais fait (il était décisif pour la région pétrolière de Kirkouk). Une région autonome leur sera attribuée de façon unilatérale et sans pouvoir réel.
En 1974, la guerre reprend sous l'impulsion du vieux leader charismatique Mustapha Barzani, soutenu par l'Iran mais en 1975, l'Iran et l'Irak signent l'accord d'Alger, le mouvement de Barzani choisit de se rendre. A partir de ce moment l'Irak adopte une politique d'arabisation dans les régions kurdes pétrolières et frontalières ; une centaine de milliers de Kurdes sont déplacés vers le sud ou vers la région "autonome". En 1976, Saddam Hussein fait connaître un nouveau programme qui sera appliqué jusqu'à la guerre Iran-Irak ; sur 20 km de large aux frontières soit 3 fois la superficie du Liban, les villages seront détruits au bulldozer, les sources bouchées, les cultures détruites. 1 500 villages seront supprimés ; les Kurdes seront dispersés par petits groupes dans des villages arabes ou regroupés en grand nombre dans les "villages stratégiques", véritables camps de concentration.
SYRIE
5 partis au total : le plus important est le Parti Kurde de Gauche ; il revendique les droits civiques et culturels.
IRAK
IRAN
La situation est beaucoup plus mauvaise en Turquie ; les élections en 1983 n'ont rien changé ; la loi martiale est toujours appliquée dans 17 des 20 provinces kurdes. Les Kurdes, soupçonnés de séparatisme sont après maints sévices regroupés à la prison de Diyarbakir en fait vaste camp de concentration qui regroupe 5 000 détenus ; entre septembre 1983 et mars 1984, une cinquantaine de détenus y sont morts de faim. L'occupation massive de l'armée peut faire craindre dans le cas d'une révolte une intervention définitive.
Déclaration de Turan Gunès, représentant turc à Strasbourg en 1981 à un journaliste : "Si l'Allemagne fédérale, la France et l'Angleterre fermaient l'&brkbar;il, ce ne serait pas un problème pour nous d'exterminer des millions de Kurdes".
DLes organisations kurdes clandestines en Turquie sont environ une dizaine, toutes de tendances marxistes et aspirant à l'indépendance. La Turquie est un avant-poste de l'OTAN en Méditerranée, elle dispose de l'armée la plus structurée et la mieux équipée de la région ; la Turquie durcit ses positions ; les accrochages se sont multipliés entre le PKK et l'armée turque de chaque côté de la frontière irako-turque. Le 5 mars 1987, l'armée turque soutenue par son aviation, est entrée fort avant dans le territoire irakien. Cette action reste légale puisque couverte par un accord d'octobre 1984 qui accorde le "droit de poursuite des territoires au-delà des frontières", cet accord existe entre Turquie et Irak et entre Turquie et Iran. Aucun accord par contre n'existe avec la Syrie ; entre les deux pays, les tensions sont vives, la Syrie n'a jamais admis le rattachement en 1939 d'Alexandrette (Iskanderoun) à la Turquie. Actuellement, les aménagements du Haut Euphrate avec la construction d'énormes barrages inquiètent le gouverment syrien car ces réalisations pourraient affecter ses ressources en eaux et rendre le pays dépendant de la Turquie. De son côté, la Turquie accepte mal la présence des Kurdes et leur entrainement en Syrie, la Syrie qui devient une base de repli efficace pour les combattants kurdes. Les Turcs ont sérieusement menacé d'intervenir en Syrie. Quelle serait alors l'attitude d'Hafez el Assad ? Comment ferait-il pour maintenir son engagement au Liban et couvrir ses 877 km de frontières avec la Turquie ? Pour lutter contre les Kurdes, la Turquie rentrera-t-elle de plein pied dans la guerre du Proche-Orient ?
DLe Parlement Européen a déjà adopté plusieurs résolutions de condamnation de la Turquie. La dernière date du 18 avril 1985 et condamne la "Campagne de génocide systématique dans les territoires de minorité kurde".
DAu moment ou la Turquie cherche à entrer dans la CEE, il ne faut pas oublier l'histoire ; souvenons-nous des Grecs, des Arméniens, des Kurdes... En Turquie les pouvoirs changent mais l'écrasement des minorités qui a jalonné l'histoire de la Turquie moderne est toujours à l'ordre du jour.
Eve Ressaire, 1987