Une théorie n'a de valeur qu'en tant que guide pour l'action.
De l'étude précédente, découle le programme suivant:
- Une étude de l'état linguistique actuel de l'humanité doit être faite, afin d'établir la liste des nations à partir du principe d'intercompréhension.
Constituent une langue nationale:
- toute langue commune ou groupe de parlers actuellement usité par un groupe humain occupant un territoire déterminé;
- toute langue actuellement usitée par une ethnie ayant autrefois occupé un territoire, si cet idiome a été usité sans interruption et s'il n'a pas évolué depuis lors en de nouvelles langues nationales.
- Le principe d'intercompréhension sera interprété largement dans le cas de populations très peu nombreuses, ainsi que dans le cas de dialectes intermédiaires n'offrant pas de caractéristiques propres de quelque importance.
- La disparition totale de l'usage d'une langue signifie la disparition de cette nation, et il ne peut en aucun cas être revenu là-dessus. De même n'y a-t-il pas lieu de tenir compte de certaines peuplades en nombre infime dont la prochaine disparition en tant qu'ethnies est pratiquement inévitable. Le nombre de nationalités qu'indiquent ces principes est d'environ deux cents.
- La délimitation territoriale entre les nations devra se faire suivant l'appartenance linguistique de la population lorsque cette appartenance est unique et stable.
- Lorsque cette appartenance a changé partiellement sur un territoire donné par assimilation, cette assimilation sera tenue pour nulle.
Lorsque cette appartenance a changé totalement, il en sera de même sauf si l'assimilation est ancienne (datant d'au moins trois siècles) ou si elle concerne une nation disparue.
- Lorsque cette appartenance a changé par immigration et substitution récentes, cette substitution sera également nulle sauf si l'ancienne ethnie était de très faible densité; dans ce dernier cas, le territoire est partagé en rapport avec l'importance numérique des deux populations, ainsi qu'en tenant compte du droit de priorité. Lorsqu'un territoire est habité de longue date par des nationalités différentes, il sera partagé proportionnellement à leur importance numérique.
- Des échanges de territoires et de populations seront effectués lorsque cela sera nécessaire pour restaurer l'unité territoriale et humaine d'une nation, la mer n'étant pas cependant considérée comme rompant cette unité territoriale. Il en sera de même pour éviter qu'un état national ne soit entouré de toutes parts par une nation, et afin d'assurer à cet état soit un accès à la mer soit une frontière commune avec une seconde nation.
- Lorsqu'une nation n'a plus de territoire, son ancien pays lui sera rendu totalement ou partiellement, en fonction de l'importance numérique des ethnies en présence, et en tenant compte du droit de priorité.
- Les territoires presque vides, ainsi que les territoires très récemment peuplés par des populations hétérogènes, seront attribués aux nations surpeuplées, en tenant compte de la proximité, de la similitude géographique et des courants spontanés d'émigration.
- Dans chaque nationalité, l'unité linguistique sera achevée ou restaurée. Le passage du stade " ensemble de parlers " à celui de " langue commune unique " s'effectuera partout où ce n'est pas encore fait.
Dans ce but on devra adopter les formes phonétiques et grammaticales des dialectes centraux, modifiées par des emprunts aux divers dialectes périphériques. On préférera les formes originales par rapport à celles des autres langues; ce deuxième critère sera seul retenu en ce qui concerne la sélection lexicale. Enfin le maximum de clarté et de précision sera recherché tant dans les formes grammaticales que lexicales.
Les langues nationales ainsi unifiées seront dotées des termes philosophiques ou scientifiques qui peuvent leur manquer.
- Toutes les langues adopteront une écriture alphabétique et une orthographe phonétique.
- Dans le territoire de chaque nation, la langue nationale sera la seule langue de l'administration, de la presse, de l'enseignement (dans laquelle est donné l'enseignement). L'enseignement des langues étrangères sera encouragé, mais aucune ne devra être obligatoire de préférence aux autres.
- Lorsque la langue nationale n'est plus parlée par une grande partie de la population, ou lorsque le travail théorique de son unification et de son enrichissement n'est pas encore effectué, les mesures du paragraphe précédent ne seront réalisées que progressivement et selon les possibilités, en passant par une étape de bilinguisme officiel.
- Chaque nation doit former un état unifié et souverain, jouissant de l'indépendance politique et de l'égalité juridique vis-à-vis des autres nations. Par état, il faut entendre ici non pas une certaine structure interne, mais un organisme réglant tous les problèmes que posent les rapports avec les autres nations. L'état doit être dirigé par des forces réellement ethnistes; tout groupement ayant des objectifs antinationaux ou pouvant en avoir parce que dépendant de directions étrangères, de même que tout groupement ayant des objectifs impérialistes, doit être exclu de toute possibilité de parvenir au pouvoir.
- Les étrangers peuvent résider sur le territoire national dans la mesure où l'état les y autorise, mais ne peuvent y jouer aucun rôle politique ou militaire; leur naturalisation ne peut être accordée qu'en nombre restreint et lorsqu'elle correspond à une assimilation réelle.
- Chaque nation doit obtenir son indépendance économique, c'est-à-dire que tous les moyens de production et de distribution importants doivent être propriété nationale, propriété ou de membres de la nation ou de l'état. Le commerce extérieur doit être contrôlé ou monopolisé par l'état; l'interdépendance, c'est-à-dire des échanges sur des bases égalitaires ; non accompagnés de conditions politiques ¬ est seule compatible avec l'indépendance nationale.
- Tous les problèmes posés par les rapports internationaux devront être réglés par accords entre les nations indépendantes intéressées. Toutes les forces armées devront être dissoutes, et les armes de guerre détruites. Des organismes internationaux exprimant l'interdépendance de fait des nations sont souhaitables, mais uniquement en tant qu'organismes de collaboration technique ne jouissant d'aucune autorité propre.
L'O.N.U. dont le principe est parfaitement valable doit être réformée de sorte :
- qu'en soient membres seulement les états correspondant à une nationalité et réellement indépendants;
- que les conflits soient réglés non au hasard des marchandages et des coalitions mais à partir des principes ethnistes, seule base objective et impartiale de règlement.
- Les moyens de réalisation de ce programme seront: la propagande et les moyens légaux, l'action nécessaire, la guerre de libération nationale.
C'est dire que l'abandon de la force dans les rapports internationaux et le désarmement sont d'abord subordonnés à l'obtention de l'indépendance et de l'unité nationales, et ensuite doivent être réalisés simultanément par les différentes nations.
La non-intervention dans les affaires intérieures d'une nation doit d'ores et déjà être appliquée, mais il n'en est pas de même dans les conflits internationaux. Tant que subsistent les rapports de force entre nations, toute nation a intérêt, a le droit et le devoir d'aider les autres à se défendre contre une agression ou à conquérir leur indépendance. Cependant, il s'agit là d'un problème tactique, et en particulier les guerres de libération nationale doivent être subordonnées à leur tour à la nécessité supérieure d'éviter un conflit mondial.
- Il doit exister dans chaque nation un mouvement se proposant la réalisation de ces objectifs. Tous ces mouvements doivent coordonner leurs efforts à l'échelle mondiale au sein d'une Internationale conçue non comme un super-parti mais comme une association de partis égaux unis par un programme commun et précis concernant les problèmes internationaux, mais échangeant seulement des informations en ce qui concerne les problèmes intérieurs de chaque pays.
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