LETTRE N

LA NATION
Le terme "nation" est porteur de beaucoup de confusion. "Volonté nationale", "destin national", "intégrité nationale", "âme de la nation"…etc. Tous ces termes pourront servir à l'expansion et au discours impérialiste d'une ethnie au détriment d'une autre. C'est l'Etat-Nation. Mais ils peuvent aussi servir dans le discours d'une ethnie en lutte pour être maîtresse de son destin. C'est le cas des mouvements de libération nationaux : quand ils parlent de la nation Kurde, de la nation Basque, de la nation Méo, etc. ce terme est alors voisin du mot "ethnie". Ceci étant je préfère le mot ethnie à celui de nation, plus adéquat à la définition de "peuple ayant une langue" et "une mémoire culturelle".

NATIONAL-SOCIALISME ET IMPERIALISME
Le national-socialisme allemand, bien qu'au départ en partie fondé sur des revendications nationales correctes, parmi lesquelles le refus du Traité de Versailles foncièrement injuste et imposé par les alliés à la population allemande, s'est transformé, d'une part en impérialisme (conquête sur d'autres ethnies) et, d'autre part, en racisme (énonciation de la supériorité de la race aryenne sur les autres).
A partir de cela, le national-socialisme est exactement ce que l'ethnisme combat. Néanmoins, quand on parle de la politique exérieure de l'Allemagne de 1933, si on la condamne sans analyse, en refusant de comprendre les raisons qui ont fait naître une telle politique, on risque un jour de se retrouver dans la même situation. Je crois donc important qu'une analyse ethniste de la politique allemande soit faite : il apparaîtra alors que certaines des revendications étaient légitimes. Entre autres, lorsque l'Allemagne revendiquait le droit à l'auto-détermination et au regroupement des populations de langue allemande, en Tchécoslovaquie et en Autriche en proposant leur rapatriement : ces populations de culture allemande étaient en droit de réclamer la reconnaissance de leur identité allemande et leur union. Par contre, il est clair aussi que lorsque Hitler manipule le désir de ces populations et s'en sert pour envahir et opprimer d'autres ethnies, il se révéle impérialiste et raciste. La frontière entre l'impérialisme et le nationalisme est ténue. Le nationalisme ethniste doit être entendu comme "défense des intérêts légitimes de l'ethnie". Les intérêts justes d'une nation s'arrêtent où commencent les intérêts justes des autres nations (ethnies). Si l'union de tous les allemands dans un même Etat est légitime, par contre, l'union de tous les Germains ne peut être que la réalisation de l'impérialisme d'une des nations germaniques sur les autres (Hitler étouffant les Néerlandais de l'Allemagne du Nord par exemple).

NATIONALISME
La grande contradiction de cette fin de siècle est d'une part une forte tendance des intellectuels et d'une sagesse populaire à condamner l'idéologie et les actions issues des revendications nationalistes, les considérant archaïques et rétrogrades et d'autre part la montée de ces nationalismes ; en URSS ce sont les républiques Baltes, les Arméniens, les Tartares, les Kahzans, la Georgie.
Aux USA la recrudescence des mouvements de revendications des minorités noires, hispaniques, et indiennes, en Afrique et en Europe les mouvements de libération nationale se renforcent. En France même, les Corses avec le FNLC, les Bretons avec le F.L.B., les Basques avec l'IPARETARAC, etc. En conclusion : condamner affectivement le nationalisme est une erreur il faut au contraire chercher une solution à partir de la reconnaissance de sa réalité

NATIONALISME (définition de François Fontan )
Politique ayant pour objectifs principaux l'indépendance, l'unité et la prospérité de sa propre nation et de son peuple.

NATION OU ETHNIE (définition de François Fontan)
Communauté humaine fondamentale, définie et délimitée principalement par le critère de la langue autochtone.

NATIONALISME PERIME ? (1986)
Le nationalisme n'est pas une notion abstraite, ni comme certains marxistes l'avait écrit, une des expressions des intérêts de la Bourgeoisie. Non ! les nations, les ethnies sont des réalités concrètes, je dirais même physiques.
Qu'allez-vous manger à midi ? Si vous êtes occitan, vous mettrez dans votre salade du basilic, de l'ail, des tomates, et vous boirez du vin. Si vous êtes chinois, vous mangerez du riz et boirez du thé. Mangerez-vous assis sur un coussin à-même le sol ou bien assis sur une chaise ? Ce sont là des éléments tangibles. Direz-vous "François viens déjeuner" ou "Franz kommt essen" ? Ce sont des suites de sons différents. On peut continuer à l'infini. Je veux en venir à ceci que la nation allemande est une suite de réalités concrètes, soit : chaise, tabouret, saucisse, etc, que la nation arabe est égale à : sofa, couscous, sons différents. Toute théorie politique qui ne prendrait pas en compte ces différences ne pourrait présenter un programme international cohérent.
On peut éprouver de la lassitude à l'égard des thèses nationalistes, on peut les considérer comme dépassées, mais on ne s'en débarrassera pas en niant leur existence. Car aujourd'hui encore les nations sont la réalité sur laquelle les rapports de force régissant le monde sont échaufaudés. Le peuple français, le peuple anglais, le peuple kurde existent. Ils n'ont pas disparus depuis la dernière guerre. Alors de deux choses l'une : ou bien on ferme les yeux et on cautionne l'impérialisme, ou bien on essaie de construire un monde meilleur qui élimine les situations de coercition entre les peuples. Mais pour cela il faut tout d'abord les reconnaître.

NOIRS DES U.S.A. ET CULTURE
La clef du développement des Noirs habitant les U.S.A., passe par la reconquête de leurs cultures. Et cela ne peut avoir lieu qu'à partir de la maîtrise de leurs langues perdues.
Car un peuple sans langue perd sa culture et du même coup son dynamisme. C'est simple à comprendre : les enfants noirs des U.S.A., en parlant l'Anglais, parlent le langage du maître. Ils doivent donc voir le monde à partir de la vision du maître et n'ont plus les mots de leur propre différence. D'où frustration et explication principale de leur manque de dynamisme.

NORD-SUD
Question : Les statistiques indiquent que l'écart des revenus entre pays riches et pays sous-développés, Nord/Sud s'accroît. Ce problème est d'ordre économique. Les solutions à chercher sont donc d'odre économique et social. Croyez-vous que le moment soit bien choisi pour diviser le tiers-monde en ethnies, à partir de frontières linguistiques ?
Réponse : Première remarque : quand on parle de l'écart Nord/Sud, on ne fait pas allusion à l'écart entre riches et pauvres à l'intérieur de ces mêmes pays; c'est l'ensemble des pays sous-développés, avec leurs riches et leurs pauvres, que l'on compare à l'ensemble des pays industrialisés. La solution, pour un pays comme l'Ouganda ne passe pas obligatoirement par la prise du pouvoir par son prolétariat car cela ne changerait pas grand chose au niveau de vie général de l'Ouganda, ni à fortiori ne modifierait en quoi que ce soit le fameux écart Nord/Sud. Le problème est dans la néo-colonisation qui reste un problème d'oppression ethnique. Cependant à cette remarque, il faut en ajouter une autre. Dans ces pays dits en voie de développement, il y a des impérialismes ethniques intérieurs. Souvent même, ces dominations entre ethnies sont plus fortes et plus présentes qu'entre ethnies blanches et africaines. La solution, pour l'Afrique est donc avant tout le redécoupage des frontières et la redistribution des responsabilités à partir de zones linguistiques.

NOUVELLE DROITE (1980)
La "nouvelle droite" est un groupe d'intellectuels ayant ses assises à Paris et dont l'une des thèses, en 1979, fut le droit à la différence des cultures ; ce qui, a priori, nous paraît positif. Ceci dit, si nous analysons leur prise de position à travers les principes de l'ethnisme, plusieurs contradictions apparaissent. Et pour commencer dans le mot même : "droite" s'opposant à "gauche" qui implique une situation économique et pas ethnique. L'ethnisme n'est ni de gauche ni de droite puisqu'il n'est pas l'apanage d'une classe sociale particulière. Dans l'oppression ethnique d'une nation sur une autre, toutes les classes et tous les sexes peuvent être impliqués comme oppresseurs ou opprimés. Ce fut le cas de l'Algérie où la révolte ethnique réalisa l'union de toutes les classes composant la nation, y compris la petite bourgeoisie, pour lutter contre l'impérialisme.
La théorie ethniste se définit autour de l'octroi d'un certain nombre de droits aux peuples du monde. Droits qui excluent toute hiérarchisation de leurs différences. Au contraire, le discours tenu par la "nouvelle droite" glisse toujours vers une hiérarchisation des cultures et octroie une valeur quasi mystique à la civilisation indo-européenne. En fait, cette civilisation a cessé d'exister depuis longtemps et les différences entre Grecs, Danois, Espagnols ou Russes, tous indo-européens, n'ont fait que s'accentuer : la nouvelle droite est à la recherche d'une unité perdue, supposée édénique. C'est ce discours-là qui peut être taxé de passéiste et non celui des ethnistes. Bref, en prétextant le droit à la différence, il établit un jugement de valeur glorifiant une civilisation européenne utopique, ce qui revient à tronquer la réalité au profit d'une idéologie raciste.

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

-> retour